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Vincent de Voltigo

“L’économie de la flemme” commence à fatiguer ?

Qu’est ce que l’économie de la flemme ?Qui se cache derrière ces plateformes qui promettent la fin de la corvée des courses en supermarché ? Qu’est ce qu'en pensent les élus locaux ? Comment sont rémunérés les employés de ces entreprises ? Quelles transformations économiques, écologiques et sociales ont introduit ces startups ?


L’économie de la flemme: Cette expression a été popularisée par le PDG de Système U, Dominique Schelchere. Ce sont des plateformes de livraison à domicile qui ont vu le jour en 2017. Ouvertes 24h/24 elles permettent en 15-20 minutes la livraison de courses, de repas ou d’autres prestations… Elles sont également appelées “dark store” ou “quick commerce” ou encore “livraison rapide”. Les leaders sont: Cajoo, Getir, Gorillas, Flink…



Les enjeux de l’économie de la flemme

Ces applications de livraison à domicile concurrencent aujourd’hui Frichti, UberEats et Deliveroo en proposant d'autres services que la seule livraison de repas. Via une application mobile l’utilisateur peut retrouver les produits et les restaurants répertoriés dans un rayon de 15 minutes environ. Ces entreprises réalisent donc ce que nous appelons communément les derniers kilomètres. Plusieurs entrepôts sont dispatchés dans les villes, ce qui permet au livreur en scooter ou en vélo d’amener la commande très rapidement. Le repas le plus commandé est le burger et la commande moyenne s'élève à 7,80€ par personne par repas. Ce marché a triplé de 2017 à 2021 selon le cabinet McKinsey; le Covid19 a confirmé l'engouement pour cette économie pour arriver à 150 milliards de dollars fin 2021.

De plus, de nombreux investisseurs sont venus soutenir ces entreprises au futur ultra prometteur.


Il faut comprendre que derrière cette économie de la flemme il y a de nombreux acteurs:

  • Les agrégateurs (Uber eats, deliveroo…) ;

  • Les paniers à cuisiner (Hello fresh, Jow Quitoque…) ;

  • Livreurs de courses ( La belle vie, Epicery, Place du marché…) ;

  • Livraison pour les grandes surfaces alimentaires (Carrefour, Intermarché, Monoprix…) ;

  • Quick commerçants (Gorillas, Getir, Flinn…) ;

Leur point commun est leur promesse : des livraisons de produits du quotidien en 15 minutes environ.


A titre d'exemple, en mars 2021, soit un an seulement après sa création, l'allemand Gorillas était valorisé à plus de 1 milliard de dollars. Le turc Getir levait 768 millions de dollars en mars. Cela s’explique par les financiers qui avaient foi dans un modèle éprouvé par une autre entreprise devenue reine de la livraison : Amazon. En effet, l'entreprise est devenue rentable après avoir perdu de l’argent pendant des années. Si les marges d’Amazon sont faibles sur les produits vendus, le leader de la livraison à domicile – qui a d’ailleurs investi dans Deliveroo et passé un accord avec Just Eat Takeaway – a fini par gagner de l’argent grâce à un effet de volume.

Mais cela était sans compter sur le gouvernement français qui a décidé de légiférer ces “darks stores” sur le plan de l'urbanisme et sur le plan social, tout comme les villes de Madrid et de New-York.



Les conséquences néfastes de ces entreprises

Ces entreprises ont des conséquences néfastes sur les plans social, environnemental, sociétal et économique.

En effet, ces “darks stores” sont désormais considérés comme des entrepôts. Une nouvelle législation, mise en place par Olivia Grégoire, ministre chargée des Petites et Moyennes Entreprises, permet aux élus locaux de pouvoir agir s’ils le souhaitent afin de limiter les emplacements de ces darks stores.

En effet, de nombreuses nuisances sonores ont été relevées par les riverains car la grande majorité de ces livreurs se déplacent en scooter thermique (50cc) et les livraisons sont 24h/24. Ces engins thermiques assez polluants ont un coût pour les employés d’autant plus élevé que l’essence a augmenté.


De plus, socialement de nombreux contrôles ont révélé que certains livreurs, n’étaient pas en règle au niveau administratif; ce qui les empêche de se rebeller en cas d’impayés ou d’injustices à leurs égards.

Il faut savoir qu’un livreur gagne en moyenne 1200€ / mois, et qu'il est soumis à des hauts niveaux de stress, car ces “dark stores” misent sur la promesse de livraison en quinze minutes, qui est leur premier argument de vente.

Des témoignages montrent que certains livreurs doivent faire des trajets de 5 ou 6 kilomètres avec des sacs dont le poids varie entre sept et douze kilos. Cette course contre-la-montre pousse les livreurs à conduire dangereusement.

Etant donné que les conditions sont précaires, le turn over est important.


De plus, ces enseignes sont pour beaucoup installées de manière illégale dans la capitale, en effet, un entrepôt n’est pas autorisé dans un immeuble résidentiel et un dark store doit être déclaré comme un entrepôt et non comme un magasin accueillant des clients.

La mairie de Paris a dénombré 80 dark stores illégaux et entend appliquer des sanctions aux enseignes qui ne respectent pas les règles d’urbanisme.


Quant à la ville de Lyon, les élus ont été assez radicaux sur ce point; en effet ils ont considéré le sujet des “dark stores” d’un point de vue sociétal. Citée par la BBC, Camille Augey, adjointe au maire de Lyon s'interroge : « Nous devons nous demander ce que nous voulons. Chaque besoin doit-il être immédiatement satisfait, quelles que soient les conséquences ? Avons-nous vraiment besoin de ce paquet de pâtes ou de cette bouteille de shampooing à 11 heures du soir ? Cela ne peut-il vraiment pas attendre jusqu’au matin ? Nous nous débrouillions parfaitement bien avant le commerce rapide, n’est-ce pas ? »


Les entreprises de “darks kitchens” qui sont des restaurants n’ayant pas de pignon sur rue, et où les plats sont préparés pour être livrés directement, sont également visées mais cela reste encore assez flou.

L’avenir de cette économie

Aujourd’hui leur avenir est assez sombre. Après une vague de rachats et l'arrêt de plusieurs initiatives, seul Getir est encore sur le marché français. En effet, ses concurrents ont été rachetés ou bien placés en redressement judiciaire (comme la filiale française du groupe allemand Flink qui se retrouve également en faillite, après la décision de sa maison-mère de quitter le marché français). Malgré tout, le Turc Getir, spécialiste de la livraison ultra-rapide est loin d’être tiré d'affaire.

Pour rappel, Getir a racheté Gorillas qui avait lui-même acheté Frichti. De son côté, Flink a mis la main sur Cajoo l'an dernier.

Cette déroute dans le secteur du quick commerce s’explique par plusieurs facteurs: l’inflation actuelle qui a amené des changements dans les habitudes des consommateurs, la nouvelle réglementation qui concerne les dark stores et un modèle économique qui ne fonctionne plus.

A cela s’ajoute la conjoncture macroéconomique; l'inflation pousse les consommateurs à rechercher les meilleurs prix et rend le secteur du quick commerce moins attractif en raison des frais de livraison.

De plus, le modèle économique du quick commerce n’est pas rentable; entre les loyers qui sont élevés dans le centre ville où ils sont implantés, les rémunérations des employés, les véhicules, les offres pour fidéliser les clients (ex: 10€ lors de la première commande), la communication et le marketing… ces entreprises subissent des pertes trop importantes.

Il faut noter que malgré les campagnes de communication à grande échelle, seulement 19% des parisiens ont testé au moins l’une de ces plateformes.

L’avenir de ces entreprises est compromis, aujourd’hui l’utilisateur recherche des solutions plus humaines et écologiques. La conjoncture économique, le manque de rentabilité, les nuisances sonores, le manque d’innovations réelles et les abus sociaux envers les employés amènent ces entreprises à l’échec.

Elles quittent le paysage urbain aussi vite qu’elles sont arrivées.


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